25 mars : départ à 20h36 sur le Samarsata Express. 36h pour rejoindre Calcutta, 2081 km au Nord-Est de Bombay. Soit une moyenne de 57km/h … on n’arrête plus le progrès !
Je lis Henry de Monfreid, je bois du Pepsi brulant, j’essaie de reconnaitre les airs de Bollywood que mes voisins passent en boucle sur leur portable. Ils ne sont pas très bavards, en plus il y a 95% d’hommes, beaucoup de musulmans et quelques brahmines qui portent le cordon sous leur chemise.
J’aime bien les voyages en train, on traverse des régions que l’on n’aurait jamais vu sinon, ça rajoute un certain charme, on a davantage le sentiment de partir loin de chez soi, d’avaler les kilomètres et de « mériter » son voyage. En même temps, il faut avoir le luxe du temps (à défaut d’avoir le luxe tout court) !
27 mars : Arrivée à Howrah Station, suante et sale. Je retrouve avec bonheur Marie, la douche et la lessive. Mes premières impressions de Calcutta ne sont pas terribles ; il fait 40°C, la ville est pauvre et décrépie. Enfin on est là pour 4jours, on a le temps de « vivre » cette cité.
Première visite du quartier de Kalighat (les ghâts de la déesse Kali, littéralement)
Kali est un des innombrables avatars de Parvati, femme de Shiva, sauf qu’elle est ici représentée furieuse, la peau noire, tirant la langue et ornée d’un collier de cranes humains. Son temple me fait beaucoup penser aux temples Hindous du Sud de l’Inde visités cet été, le sol est graisseux, l’ambiance est frénétique, les lingams sont partout. Mais ici, au West-Bengal les hibiscus rouges remplacent les œillets orange et on sacrifie des biquettes noires tremblantes à la chaine!
Le quartier abrite le mouroir de Mère Teresa, ou Nirmal Hriday, qu’on ne veut pas visiter même si c’est possible. Il y a déjà suffisamment de mourants dans les rues de ce quartier, ce n’est pas la peine d’aller les observer dans un bâtiment !
On teste les hommes-charrettes de Calcutta, mais on se sent immédiatement très mal à l’aise. On était partagés entre le regard suppliant du vieux bonhomme et les idées de dignité. Finalement après seulement 3minutes sur la charrette, on se range du côté des ONG qui luttent pour faire disparaitre ce métier ingrat. Y’a d’autres moyens en Inde de gagner sa vie en peinant un peu moins.
Au coin d’une rue, on tombe sur des écrivains publics complètement absorbés dans leur retranscription de bilans financiers et autres liasses fiscales. C’est surement pour d’antiques petits family-business qui n’ont aucun logiciel et font leur compta au crayon avant de les confier aux dactylos. On leur fait faire chacun une lettre chacune…pour Rs 6 !
A 500m de notre hôtel un incendie a eu lieu quelques nuits avant notre arrivée, ravageant 2 étages et faisant 30 morts. En suivant l’enquête dans les journaux, je suis ébahie : les pompiers n’avaient ni masque ni échelles, leurs bottes en plastique ont fondu avec la chaleur, et les lances à eau n’étaient pas assez puissantes pour atteindre les étages en feu ! Et pour couronner le tout le bâtiment était illégal et dernier propriétaire connu datait de 1925 !
Saturday Night in Kolkata
On quitte donc ce quartier un peu glauque et endeuillé pour aller à l’Indian Coffee House, dans le quartier de l’Université, un repère d’intellectuel et savants Bengalis, qui passent leur soirée à philosopher. J’aime bien leur dégaine un peu décalée : mal coiffés, mal rasés, la kurta défraichie. Menu unique: Chicken Sandwich&Coffee. Rien d’autre. Simple living High Thinking. Après avoir vainement cherché un sujet de conversation à la hauteur, on déguerpit pour atterrir…dans un bar à filles ! (Je ne sais pas ce qui est mieux entre les deux)
Officiellement ce ne sont que des chanteuses, officieusement elles feraient mieux d’arrêter de massacrer les chansons Bollywood en jouant les saintes nitouches ! La non plus, personne ne nous vire mais on ne se sent pas tellement en phase avec nos Sweet Lime Soda et nos regards hallucinés par le comportement des Gros Indiens Bourrés.
28 mars : A Kolkata tout se paie et tout s’achète à condition bien sur de négocier. Usant parfois, mais grâce à la cupidité du gardien on visite le Marble Palace sans le permis officiel requis. Caméra interdite, on ne le voit pas bien sur cette photo volée, mais le Raja à l’origine de ce lieu étonnant était un esthète un féru de culture Italienne. Belgium Glass. Chinese Vase. Queen Victoria. Belgium Glass. Egyptian Mat ? No Indian Mat !
En bas du Howrah Bridge (dont l’interdiction de photographier dure depuis la Seconde Guerre Mondiale) on déambule dans le Flower Market. Marie se fait aborder par plusieurs loveurs-au-grand-cœur qui lui offrent une rose chacun…et moi j’ai droit à un naze avec sa salade et un nigaud pris d’un T.O.C de bras levés!
Le quartier de BBD Bagh, de grands bâtiments du gouvernement. Pas trop d’ambiance.
29 mars : Sital Nath Jain Temple. Sacré le « plus beau temple Jain du Bengal » ou vivent 500 000 adeptes. C’est vrai que c’est joli, même si c’est ultra-kitsch. La Guesthouse est un mélange de La Petite Sirène et de Gaudi. Apart une méga-promo sur les peintures pastels et les paillettes, je ne vois pas !
Le prêtre nous allume tous les lustres du temple et nous demande de l’argent après. Le vendeur de la boutique de bijoux se penche avec nous sur la carte du West Bengal, et le papy qui squattait l’entrée me vend une carte postale de Kali à 6 roupies. Il est touchant car il a écrit au dos le nom de la déesse de son écriture tremblante, alors je me laisse arnaquer.
Deuxième temple Jain, les ouvriers sont affairés à polir le marbre en plein soleil.
Troisième et dernier temple Jain, mon préféré. Beaucoup de charme. Keep it simple.
Après 3 rickshaw et environ 35 demandes d’informations aux passants, on déniche le quartier de Kumartuli, qui vaut le détour car c’est là que sont fabriquées les statues légères en paille et boue de Durga, (toujours le même avatar de la déesse féminine) qui sont immergées lors de la fête de Durga Puja en octobre. Ca me rappelle Ganapati à Mumbai.
Il est l’heure de la sieste, les artisans dorment sur la paille, ça a un p’tit côté ferme Normande tout ça !
30 mars : On retrouve Julie-Prune et après un bon chai bien sucré, on se dirige vers Belur Math, centre religieux en hommage à Ramakrishna Pramahamsa.
Deuxieme arrêt au Swami Vivekananda Temple, où les pèlerins s’astiquent avant de rentrer dans le Temple. La salle de méditation du sage a été préservée. Il ne faut pas oublier que Calcutta est considérée comme la capitale Intellectuelle et culturelle de l’Inde, et a produit de grands personnages, dont le plus connu est surement le poète-écrivain e philosophe Rabindranath Tagore.
Après 4 jours complets à découvrir la ville, Calcutta a un peu grimpé dans mon estime ; elle a deux facettes distinctes, évidemment la pauvreté, la souffrance et la crasse qui se retrouvent dans toutes les grandes villes Indiennes mais qui est ici décuplée, mais aussi la richesse intellectuelle, le foisonnement d’universités, de marchands de livres, de grands musées et d’événements culturels que l’on ne retrouve pas partout.