J’embarque dans le train pour Chennai en emportant une bonne dose de sable Goannais dans mes chaussures, dans mes cheveux et dans mon sac.
20h seule avec mon sac, perchée sur la banquette tout en haut, lumière blafarde, couverture qui gratte, odeur de pieds et traces de souris. Ca c’est pour les cotés difficiles.
Dormir dans le train c’est aussi être rassuré par les cris plus ou moins engageants des vendeurs « Tomato soup, samosa, chai, biriani, vadapav… » S’endormir avec de la musique Bollywood qui grésille d’un vieux portable, se réveiller à 4h avec un voisin du dessous qui ronfle à se décoller les trous de nez, se pencher par-dessus la couchette le matin et observer un père et son jeune fils qui petit-déjeunent du riz biriani à même la feuille de bananier.
Et personne ne râle, ce n’est pas forcément la joie non plus, mais ça cohabite tranquillement, on ne se côtoie pendant ces heures uniques, on ne se reverra jamais, occupés que l’on est à traverser cet immense pays de long en large, mais ça n’empêche pas les sourires et les conversations légères.
Arrivée à Chennai, joie de retrouver Marie&Pélo&Blandine et de découvrir l’adorable Inès ! Grand appartement, journées tranquilles à boire du thé, manger des parathas graisseuses, discuter de nos mois Indiens. Elles me parlent de Chennai, les Français qui vont et viennent, Pondicherry à 2h en moto, les week-end à la plage, possibilité rare en Inde. J’essaie de les faire rêver encore un peu plus sur le mythe Bombayite, histoire qu’elles viennent vite me voir !
J’apprends les « trucs » de Chennai. Rajouter un « hé » à la fin de chaque mot, pour paraitre un peu moins touriste débarquée face aux chauffeurs de rickshaws locaux. Parce qu’ils parlent Tamoul, et c’est tellement dur à apprendre qu’en comparaison l’Hindi c’est du gâteau ! Négocier son trajet à l’avance, et éviter les « arrêts shopping » où on n’est jamais obligées d’acheter quoi que ce soit mais finalement on nous met quand même une sacré pression si on repart les mains vides. En tant que grosses gamines, on a tenté un cache-cache dans un grand magasin Indien, 20 minutes pour se trouver une bonne planque au milieu des Tupperware, des plats à riz et des saris, tout ça pour se faire bêtement dénoncer à Blandine par une vendeuse pot-de-colle qui visiblement n’avait pas été recrutée pour son Q.I !
On tente le bus a 10 roupies, le bon côté c'est qu'on n'est pas trempée sous la mousson, le mauvais côté c'est que vu la pression démographique à l'intérieur du tas de ferraille, après 2h on préfererait encore se jeter par la fenetre et être trempée par la mousson !
Pendant le week-end, j’ai retrouvé à Pondicherry le restaurant Français du 8 aout 2009, anniversaire de maman, et en hommage à ces vacances parfaites j’y ai dégusté un délicieux plat de pâtes à la sauce tomate. C’est la première fois que je repasse deux fois au même endroit en Inde, un peu plus aguerrie aux voyages j’espère.
Découvert Mahabalipuram sous un angle complètement différent. Exit resort « de luxe » et bonjour GuestHouse sur la plage, odeur de poisson séché et Indiens voyeurs un peu partout. Mais bon ça a son charme aussi, les vagues sont gigantesques, on reste de longues secondes à se débattre sous l’écume, y’a des Indiens et des vieillards qui ne savent pas nager et qui tentent d’apprendre avec une planche de surf en partant au loin, mauvaise idée, ils se font toujours échouer in extremis sur le sable par des bonnes âmes.
Grâce aux aptitudes sociales sans bornes de Pélo, on se retrouve à un spectacle de danse Indienne, avec plein de petites filles jolies comme des poupées, qui s’appliquent autant qu’elles le peuvent. C’est attendrissant, de les voir s’agenouiller face à leur professeure pour recevoir les lourds bracelets de cheville qui viendront rythmer leurs pas avec leurs clochettes. On remarque tout de suite les gracieuses, les appliquées, les timides, les meneuses, celles qui font coucou à la caméra (blague, on n’est pas en France à une kermesse, y’a qu’une seule caméra dans toute la salle et puis c’est bien plus sérieux et solennel, peut-être le poids de la tradition, des générations, mais c’est ce qui rend ce petit spectacle si spécial !)
Pour le dernier jour, on fait quelque chose qui nous tient à cœur ; aller visiter les studios de cinémas de Chennai. Surnommé Kollywood, (d’après le quartier dans lequel ils sont situés, Kadambakkam) cette industrie produit jusqu’à 200 films en Tamoul par an, c’est beaucoup moins que Bollywood, (environ 800 films) même si certains guides affirment le contraire.
On débarque dans l’indifférence générale, au milieu des décors en carton pâte et des dizaines de squatteurs de plateau, qui nous observent d’un œil morne en attendant que quelque chose se passe.
On se demande où sont passés le glamour des loges de stars couvertes de paillettes, des gros balèzes suants qui se tapent dessus et des chorégraphies sous l’eau de la fontaine ! On fricote gentiment avec « Jesus », wannabee-acteur-voyant-consultant-astrophysicien, pour pouvoir assister à la prochaine scène de combat, mais finalement il nous fait peur avec son rire démoniaque, à nous promettre monts et merveilles. Donc on décide de faire notre film nous même, avec une petite improvisation toute Indienne devant un temple…mais à force de sauter dans tous les sens on a peur de passer à travers le sol qui craque dangereusement, alors on rentre sagement à l’appart mater un film Tamoul sur du cricket !
Après avoir survécue aux hordes de moustiques Tamouls, au début de la mousson East Coast (l’eau jusqu’aux genoux et le sac sur la tête tout de même !) et aux zigzags en moto dans la folie des routes Indiennes, je me décide enfin à acheter un billet retour et à rentrer saine et sauve à Mumbai. Mais là une série noire s’abat sur ma pauvre tête ; trains archi-blindés, cartes bancaires bloquées pour payer par internet, sites en maintenance et même agence de voyage qui a mis la clé sous le paillasson la veille ! Juste au moment où je me résigne et je commence à m’imaginer une nouvelle vie dans ce joli coin de Chennai, (presentatrice Tupperware, importatrice de cheminées ou de sous-vetements potables) je trouve une place en waiting list…et là commence une autre aventure.